Nous avons quitté Maurice Mabilon, à la fin du volume II, plongé, bien malgré lui, dans la tourmente de mai-juin 1968. En effet, après avoir découvert le savoir et la pédagogie, à l'âge de neuf ans, avec l'inoubliable Mme Carteret et sa véritable vocation, grâce au rigoureux et charismatique M. Moreau, il a été instituteur pendant plusieurs années, avant d'être nommé, au coeur de cette période troublée, inspecteur de l'Éducation nationale à Vouziers. C'est l'histoire de sa mission pédagogique dans cette « sous-préfecture de cinq mille âmes », qu'il retrace ici, une aventure humaine, d'un quart de siècle, d'autant plus prenante qu'elle se déroule pendant une période où l'Éducation nationale est en expérimentation constante.
Sans céder pour autant aux sirènes des « pédagogistes » et sans donner des gages, à l'inverse, aux tenants du conservatisme, Maurice Mabilon officie dans la circonscription de Vouziers, en solide terrien pour qui le sens pratique et la réflexion l'emportent toujours sur les séductions de la théorie ; ici, la tâche quotidienne de l'inspecteur, ce n'est pas l'art et la manière d'apprivoiser l'utopie : c'est le collège d'Attigny prévu flambant neuf pour la rentrée, qui n'est pas terminé ; c'est celui de Monthois qui a besoin d'une sixième de transition, mais où aucun poste d'enseignant n'a été créé ; ce sont les locaux de l'inspection, exigus et imbriqués dans différents services, qu'il faut aménager ; c'est aussi, à Juniville, dans le Rethélois, où l'inspecteur assure un intérim, ce glissement de terrain qui rend l'école dangereuse et impraticable ; c'est encore cette décision du ministère selon laquelle vingt postes budgétaires d'écoles maternelles doivent être supprimés, une situation que le fonctionnaire en place, ce « disjoncteur institutionnel », doit gérer et faire accepter.
Chaque jour apporte sur le bureau de l'inspecteur son lot de difficultés - et c'est parfois désespérant - mais aussi, et à l'inverse, que d'énergie et de dévouement pour y faire face et, au fil des pages, que de portraits saisissants ! D'abord, Mitou, ami et collaborateur direct, organisateur hors pair et interlocuteur inventif ; et puis les « mousquetaires » Pierre Brousmiche, Georges Lombardy, Georges Ouvrard et André Jolly ; l'étonnante Mlle Robida, petite-fille de l'illustrateur des oeuvres de Rabelais et inspectrice de grand talent ; M. Lenouveau, le conseiller pédagogique au regard froid qui manifeste superbement, dans l'un des pires moments, son amitié et son dévouement ; et tant d'autres, enfants, enseignants, supérieurs hiérarchiques et « subordonnés relatifs » du narrateur, qui se révèle ici, une fois encore, un chroniqueur de l'essentiel et un grand pédagogue humaniste