Maurice Mabilon se penche sur son passé. L'inspecteur honoraire de l'Éducation nationale a voulu remonter à la source : retrouver les moments premiers, faire revivre cette époque lointaine, et pourtant si présente à sa mémoire, où rien n'était encore décidé ; où son père courage avait quitté son village pour la ville, « l'air vivifiant et bleuté des coteaux viticoles pour la fumée noire des locomotives », où sa mère, présence irremplaçable, se livrait à des travaux de confection dans leur petit appartement d'Épernay et où, bambin de trois ans, il découvrait « la petite école », rue de Brugny, devenue rue du Professeur Langevin, avant de vivre son apprentissage des hommes et des choses.
Outre le choix d'une vocation qui ne se démentira jamais, on trouve aussi dans cet ouvrage les échos insistants d'un monde qu'on ne saurait oublier : une Champagne qui n'a pas la prospérité que nous connaissons aujourd'hui et dont le rythme de vie est encore sûr et lent, des maîtresses et des maîtres d'école qui font « éclore en nous de solides vertus de civisme » et excellent à « faire comprendre et aimer toutes les matières de leur enseignement », un univers rude et austère qui n'a pas encore gommé tous ses points de repère. Rien d'idyllique pourtant dans ces réminiscences.
Plus proche d'Anatole France et de Gorki que de Pagnol, Maurice Mabilon restitue parfaitement cette (terrible) virginité de l'enfance qui imprime le sceau de l'absolu sur toutes choses, mais, historien d'intuition et de mémoire, il nous dépeint aussi cette région des côtes de l'Ile-de-France qui portait encore, au cours de ces années, l'empreinte des siècles passés. Tout va changer irrémédiablement (sans doute) quand a lieu l'invasion allemande, en 1940, sur ce territoire qui a si souvent payé son tribut à l'histoire : en huit chapitres, écrits d'une plume magistrale, il nous retrace l'odyssée hallucinante des Sparnaciens sous les torpilles des Stukas, dans une débâcle générale ; Pleurs, Marigny, La Chapelle-Lasson, Marsangis, Anglure, Romilly, Rigny-le-Ferron... autant d'étapes de ce calvaire vécu par la population. Et puis la vie reprend : « les grandes vacances se terminent ». Titulaire du « certif », le jeune Maurice, qui a côtoyé la mort, va entrer au collège, préparer le brevet élémentaire, puis le concours d'entrée à l'École normale d'instituteurs. Sa voie est toute tracée... dans un monde en proie à la guerre, où le combat pour le savoir doit (plus que jamais) continuer