Moderne, ô combien! la révolte de Rimbaud. Elle apparaît aujourd'hui plus que jamais nécessaire. Mais, paradoxe, scandaleusement étouffée sous la chape des commémorations factices, repues d'académisme. Doublement moderne, donc, « comme un second regard jeté sur le monde », et furieusement prémonitoire. Cet essai de Dhôtel, vieux d'un demi-siècle, on le croirait composé ce matin. Il nous rappelle avec force combien la « logique de rupture» de Rimbaud s'accroît d'un pouvoir d'insurrection sans cesse réamorcé, qui dénonce avec rage « les deux .décrets que nous nous imposons comme des vérités : celui qui proclame que la science est le modèle de toute connaissance, et cet autre qui célèbre l'inspiration, en déclarant que le dogme religieux ou poétique (on peut sans crainte ajouter : politique) a résolu tous les problèmes en les séparant de la vie ». Ce que veut Rimbaud, c'est l'aventure, dans l'oubli du résultat. Ce qu'il refuse est précisément ce que notre présent nous impose : l'asservissement de l'âme et du corps aux ukases du profit — la négation du vivant.
« Je songe, écrivait Rimbaud, à une guerre de droit ou de force, de logique bien imprévue. » Cette guerre-là, contrairement aux autres, il est urgent de la déclarer.