Les Ardennes belges furent un pays enchanté pour l'enfance de Verlaine. Celui des vacances à Paliseul, à Jéhonville et à Bouillon, villages des toits bleus, des eaux pures, de la forêt profonde. Les Ardennes françaises se découvrirent à lui le jour où débarqua du train de Charleville le gamin génial à qui il avait écrit: «Venez», sans prévoir à quel point un mot peut bouleverser une destinée. Plus tard, lorsque, Rimbaud parti et tout étant brisé, il essaya de retrouver les Ardennes, c'est qu'elles lui apparaissaient dans le mirage de sa jeunesse comme une terre d'apaisement et même de bonheur.
Une terre où il fut fermier, professeur d'anglais, journaliste, prisonnier. Une terre dont il a aimé et éternisé la déroutante et fascinante géographie. Les « bois sans nombre » et « les villages de pierre ardoisière» du massif. Les mornes horizons «tout craie et poussière» de cette Champagne ardennaise où le poète-fermier a hersé des labours, des nuages, des rimes dans la certitude du bonheur retrouvé. Celui de l'étemelle enfance dans ce pays où «des loups font parfois luire leurs yeux dans l'ombre».