Les retranchés, ce sont les habitants d'un village des Ardennes, envahi par les Allemands pendant la guerre de 1914-1918. Sans nouvelle des « autres », les restrictions, perquisitions, dénonciations, contraintes physiques et morales ajoutent au sentiment d'être séparés de toute patrie, de former une enclave hors du monde.
Michel Mamert, jeune instituteur, à qui l'occupation a évité la mobilisation et qui se dérobe au travail forcé, est partagé entre son sens patriotique et son idéal humanitaire. Il ne comprend ni la guerre, ni la lutte. Il voit, avec netteté, les désordres que provoque la crainte de la faim, les vertus et les hontes de chacun. Cet aspect peu connu de la guerre où se défont l'action et la volonté, où les croyances se dispersent malgré le désir désespéré de les maintenir, donne son atmosphère saisissante au livre.
Mamert reprend son métier d'instituteur à la réouverture des écoles, il trouvera même plus tard le bonheur avec une sage collègue, mais, se demande-t-il, « qu'est l'amour d'un couple, si l'amour ne relie pas les peuples ? ».
Au-delà du remarquable témoignage, ce message de paix, d'une actualité brûlante, rend le ton profond du livre. On y retrouve aussi le style, la langue de Jean Rogissart, lauréat du Prix Théophraste Renaudot, et dont André Rousseaux disait qu'elle était à la fois " saine et pure, simple et savoureuse"
