Yves Gibeau qui a 37 ans, en passa, bien malgré lui, quatorze dans l'armée : écoles militaires, régiment, guerre, captivité. Mais cette suite d'expériences — ou d'épreuves — ne fut pas tout à fait inutile.
En 1947, il public Le grand monôme, roman-témoignage sur les camps de prisonniers, qui obtient la Bourse Blumenthal de littérature. En 1951 il écrit et publie : ... Et la fête continue, son second roman, qui traite de la réadaptation d'un prisonnier libéré égaré à Marseille dans une époque troublée. Puis vient en 1952 : Allons z' enfants; Yves Gibeau parle dans ce troisième roman des écoles militaires, des enfants de troupe et de cette vocation artificielle imposée à certains enfants par des parents aveugles. La presse loua unanimement ce livre, bien que certains milieux se soient émus de la dureté de quelques tableaux à propos desquels on n'a pas manqué d'évoquer le célèbre " Sous-offs " de Lucien Descaves.
Dans son quatrième ouvrage, Les gros sous, d'une coloration toute différente — celle d'un village des Ardennes, avec l'exode de Mai-Juin 1940 — Yves Gibeau n'a pas traité un problème ou posé une revendication; il a fait œuvre de peintre et donné, d'une tragédie qui n'est pas seulement paysanne mais humaine, une évocation d'une force remarquable : c'est une étude de mœurs et de caractères qui est à la base de ce drame de la peur et de l'argent dont la puissance confirmera dans l'esprit du lecteur les exceptionnelles qualités d'Yves Gibeau romancier.