Formé dans sa plus grande partie par un massif accidenté, partagé en deux par le cours de la rivière, le champ de bataille de l'Aisne s'étendait entre Soissons et Reims . Les Allemands étaient installés sur les hauteurs de la rive droite et les alliés leur faisaient face. Un grand nombre de creutes ou boves, galeries naturelles creusées par les eaux, développées et multipliées par les habitants, abritaient des bataillons entiers. La célèbre Caverne du Dragon était une bergerie avant la guerre. Les troupes françaises l'occupèrent jusqu'en janvier 1915, date à laquelle elles furent chassées par les Allemands qui la perdirent en septembre 1917 et la reprirent en juillet 1918. Toute la caverne était éclairée à l'électricité. Elle comprenait de vastes chambres, un lazaret, une chapelle et même un cimetière. Lorsque le général Nivelle fut nommé au commandement des armées françaises le 12 décembre 1916, fort de ses brillants succès, il se sentait très confiant dans l'avenir : « Notre méthode a fait ses preuves. La victoire est certaine. Je vous en donne l'assurance. L'ennemi l'apprendra à ses dépens ». Dès la fin décembre, il consacra la plus grande partie de ses forces au champ de bataille de l'Aisne. Les directives pour l'offensive était claire : « C'est par la marche en avant brusquée de toutes nos forces disponibles, et par la conquête rapide des points les plus sensibles pour le ravitaillement des armées ennemies que nous devons rechercher leur désorganisation complète et précipiter leur repli ». L'offensive de l'Aisne fut déclenchée le 16 avril, précédée par une attaque britannique le 9 avril. Á 6 heures du matin, par un temps détestable, les armées de rupture s'élançaient d'un magnifique élan à l'assaut des positions ennemies sur un front de quarante kilomètres. D'un point de vue purement militaire, cette journée fut celle des mitrailleuses. Les Allemands en avaient mis partout, sous abris bétonnés ou en plein champ, mais peu en première ligne. Dès que les troupes d'assaut dépassaient le premier mouvement de terrain, elles subissaient des pertes terribles. Les chefs secondaires faisaient recommencer au pied levé, jusqu'à deux ou trois fois des attaques qui venaient d'échouer. Le manque de préparation de ces reprises les vouait à de nouvelles déconvenues en augmentant les pertes. Tout ce que les esprits réfléchis avaient prévu depuis longtemps s'était malheureusement réalisé. Le 20 avril, après cinq jours de combat, la rupture espérée ne s'était pas produite. Malgré son engagement de ne pas recommencer la bataille de la Somme, le général Nivelle restait déterminé à poursuivre énergiquement la bataille engagée.