Pour le voyageur pressé qui file de Rethel à Charleville, impatient de voir surgir à l’horizon la ligne bleue de l’Ardenne forestière le Rethélois est un non lieu, un terroir lunaire que l’on traverse à cent vingt à l’heure. Mais André Dhôtel, le voisin d’Attigny, géographe pragmatique et finaud, avait quant à lui tout compris : les gens du pays, craignant le grand vent et l’aridité, ont depuis belle lurette fui le plateau. Ils ont planté leurs pénates et leurs rêves en contrebas, dans des vallées ombreuses et broussailleuses qui sentent la menthe aquatique et la vieille pomme. Retourne, Aisne, Vaux, Plumion, Malacquise : telles sont les rivières où chacun ose enfin regarder son reflet fugace, quand la moisson est finie et que la messe sonne à l’église baroque d’Asfeld. Ce livre est une invitation à quitter l’autoroute, à musarder un épi à la bouche, à retrouver le fantôme ivre de Verlaine et le pas martial des légions romaines. Il serait bien étonnant qu’il n’y ait ici que des betteraves et du boudin blanc. Dieu soit loué, le Rethélois a bien plus d’alouettes que de sénateurs, bien plus de fêtes païennes que de commissions de remembrement ! Soyons comme Hérodote en Egypte : essayons de déduire l’inconnu du connu