Après la défaite et l'armistice de juin 1940, les Allemands s’installent dans les Ardennes, largement vidées de leur population lors de l’exode. Au début du mois de juillet, une grande partie du département, au nord de la rivière Aisne, est intégrée à la zone interdite. L'entreprise agricole allemande Ostland, prend alors en charge l’exploitation de près de 50 % des terres confisquées aux agriculteurs français. La WOL III, la direction régionale de l'Ostland dans le département, importe avec elle un modèle d’agriculture productiviste destiné à assurer le ravitaillement des populations, des troupes et du Reich. Pour atteindre cet objectif, la WOL réaménage en profondeur l’espace agricole. À cette occasion, les Ardennes servent de champ d'application aux projets de planification élaborés par les géographes nazis. Cette présence allemande bouleverse aussi les structures villageoises des campagnes. Le chef de culture, véritable maître du sol, est une figure toute puissante de l'Occupant dans les villages. La remise en culture des campagnes nécessite une abondante main-d’œuvre. La WOL mobilise alors de multiples catégories de populations : des prisonniers français de métropole et des colonies d'Afrique du Nord, des agriculteurs ardennais transformés en ouvriers sur leurs propres terres, des Juifs recrutés dans la région parisienne et des déportés polonais. L'ampleur des prédations, des vexations subies, marque durablement l'histoire des Ardennes. Longtemps considérée comme une entreprise de colonisation agricole, le dépouillement récents des sources française et allemande invite pourtant à remettre en question ce constat élaboré à la Libération.
Anne François est professeure agrégée d’histoire-géographie et docteure en histoire contemporaine. Elle a soutenu une thèse en 2019 à l'Université de Caen, sous la direction de François Rouquet, intitulée Exploiter terres et populations conquises au nom du national-socialisme : l’Ostland dans les Ardennes pendant la Seconde Guerre mondiale.
Philippe Moyen est professeur agrégé d'histoire-géographie, doctorant en histoire contemporaine et en géographie à l'Université de Caen. Ses recherches portent sur les dynamiques spatiales de l’implantation de la WOL dans les Ardennes.