A ceux des Ardennes, mes frères d'armes, les vivants et les morts, qui ont sauvé l'honneur.
PRÉAMBULE
Dans le wagon aux portes verrouillées, nous demeurons, pensifs, le corps rompu de lassitude, le cœur inondé de soleil.
Depuis deux jours, nous roulons. Nous avons traversé le Brandebourg aux landes tristes, le Hartz mystérieux, la grasse Westphalie. Le convoi a glissé sous le ciel de la Rhur, aussi noir qu'un vol de corbeaux. Nous avons, le Rhin franchi, éprouvé la douceur rhénane. Le Luxembourg vient de nous accueillir, déjà tout plein des promesses de France. L'ombre vient, la fin d'un beau jour.
Captifs encore, il nous semble pourtant qu'un air de liberté emplit, dilate nos poitrines. Au sortir d'un sommeil opaque, nous découvrons la vie et ses splendeurs. Sevrés, depuis des mois, de toute joie humaine, le bonheur, comme un vin trop fort, fait tourner nos têtes. ...