Fortuné est un insurrectionnaliste en paroles mais jamais il ne participera au moindre attentat. Il connaît le risque pris en faisant l’apologie du crime et de la dynamite : la loi sur la presse de 1881 fixe la peine de prison maximale à 2 ans.
Les partisans de la violence ne sont pas que des orateurs, certains passent à l’action comme son frère Emile Henry, condamné à mort, alors que Fortuné est lui-même en prison. L’exécution de son frère marque pour Fortuné l’échec de cette pratique de l’insurectionnalisme.
Cette première crise existentielle et douloureuse l’amène à renouer avec ce qui fut le fondement de son entrée en politique, les idées fouriéristes de son père, influencées par « Les Equitables Pionniers de Rochdale » (Angleterre). Dès 1844, ils considéraient la coopération comme un modèle qui allait en s’élargissant, de la coopérative de consommation (magasin) au logement et à la production (industrielle et agricole).
A partir de 1905, Fortuné fut à l’initiative de la colonie libertaire d’Aiglemont dans .les Ardennes. Il entra alors dans une nouvelle période d’action militante : le milieu libre de vie en commun, basé au départ essentiellement sur l’horticulture et l'élevage avicole. La colonie libertaire d’Aiglemont était une expérience entrant pleinement dans la vision éducationniste. Il s’agissait de réaliser une tentative de communisme pour montrer qu’il était possible de vivre dans ce modèle de société. Le but était même de prouver que la multiplication de ces essais, pouvait mener au communisme.
Fortuné n’arrivait pas à dominer son autoritarisme et il se rendait compte que l’expérience de cette colonie n’était guère viable pour lui. Il s’orienta alors vers le syndicalisme. Son action dans les Ardennes fut un vrai succès. Le syndicalisme réformiste était en crise car il avait désorganisé les forces syndicales en les transformant en simples supplétifs lors des élections. Il sut proposer une alternative : un syndicalisme de combat indépendant des socialistes.
Ces évolutions de Fortuné Henry et d’autres camarades montrent les multiples facettes de leurs personnalités. C’est en grande partie cette capacité d’adaptation du mouvement anarchiste de la fin du XIXe siècle et du début du XX' dont cette biographie est le reflet.