Après la défaite de 1940, tout le département au nord de la rivière Aisne est placé en zone interdite. Les fermes abandonnées après l'exode sont saisies par une entreprise agricole nazie, la WOL. Face à la WOL, subsiste, bien qu’oublié, un important secteur agricole français. Ces agriculteurs sont les premiers acteurs de la reconstruction agricole ardennaise après le cataclysme de 1940. Bien que démunis et sévèrement restreints par les dotations en carburant accordées par l’occupant, ils se doivent d'affirmer leur savoir-faire face à la propagande nazie qui martèle l’arriération de l’agriculture française. Pour Vichy, la reconstruction de l'agriculture constitue un enjeu politique crucial : gagner les esprits à la Révolution nationale en remplissant les ventres. Dans les Ardennes en zone interdite, restaurer l’outil de production signifie défendre la souveraineté française sur une terre investie, plus qu'ailleurs, par l’Allemand.
Au lendemain de la défaite, la réputation des agriculteurs est très dégradée dans l’opinion publique. Jugés peccamineux et égoïstes, on leur fait reproche de s’être enrichis pendant l’occupation sur la misère des gens en alimentant le marché noir. La construction de la mémoire d’une colonisation agricole nazie des Ardennes vient opportunément, dès 1945, apaiser les esprits en faisant du monde paysan, dans sa totalité, une victime de l'occupation allemande.
Philippe Moyen achève son doctorat en histoire contemporaine à l’Université de Caen-Normandie. Sa thèse porte sur La WOL III dans les Ardennes. Aménagement,exploitation et intégration d'un territoire agricole occupé en zone interdite 1940-1944 : Une colonisation à réévaluer. Spécialiste de l’histoire de la WOL, il est l’auteur, en collaboration avec Anne François, du tome 1 de Y Histoire de l'agriculture ardennaise entre 1940 et 1962, consacré à La WOL dans les Ardennes, et de Léon Eskenasy, un Juif dans la collaboration ardennaise.