Bâtir la Maison est le tome second d’une grande œuvre que Marcel Lallemand a entreprise aux Editions de la N. R. F. et dont le premier a paru sous le titre de Bonheurs. Bonheurs, est un vaste roman, ou plutôt une biographie faite à la première personne. Il s’agit pour Marcel Lallemand, comme pour Proust naguère, de «retrouver le temps perdu ». Car la mémoire, si elle reconstruit fidèlement et sans se tendre l’univers des choses (couleurs, formes, parfums, etc.) opère des résurrections bouleversantes.
Ainsi, dans Bâtir la Maison, un homme se raconte. Il revoit son enfance. Le voici remonté aux temps heureux de lenteur et de silence, juste pour voir naître l’automobile, le cinéma, le sous-marin, le dirigeable, puis l’avion, et enfin la radio... C’est dans un petit village de l’Ardenne (Landrichamps) que cette enfance s’épanouit. Nous voyons défiler les personnages familiers qui l’ont hanté : le père, cantonnier, les sœurs. L’auteur, par le pouvoir magique de l’évocation, fait remonter du passé le décor de ce qui fut sa vie : la maison, la lampe, les champs. L’instituteur est là aussi, il s’appelle M. Boudin. Le héros du livre n’a guère de camarades. Il est pauvre ; il aime tout, il a peur de tout, on le raille.Il découvre la musique, en jouant de la flûte à l’Harmonie Municipale... Dans ce récit, aucune lumière autre que celle de l’enfance. De l’enfance, tous les caractères, et en particulier l’extraordinaire intensité, et la profondeur.
Impossible de ne pas reconnaître à chaque instant l’étonnante vérité de ce livre, où une mémoire singulièrement aiguë et pathétique ressuscite avec les vives couleurs du conte, l’univers si fugitif et si déconcertant de l’enfance.
