Baptiste revivait les mues du marcassin ligné blanc et jaune et tout tremblant sur ses jambes grêles, puis bête rousse, grande bête rousse, et bête noire de cent et vingt livres. Les soies grises et blondes éclataient de santé. Une musculature athlétique |ramassait le corps râblé dans les épaules puissantes, la hure terrible et débonnaire aurait effrayé tout autre que Baptiste,qui connaissait ses tendresses câlines. Le trottinement précieux contrastait avec la masse hirsute. Infatigable à la course, le pacifique animal avait gagné de son compagnonnage avec un enfant d'homme, cette sorte d'élégance dans le train et, dans le regard, cette flamme gaie qui sublimait l'allure farouche que l'on prête au sanglier des Ardennes.
- C'est bien la première fois que je vois un animal gagner à fréquenter l'humain, disait parfois Georges Chauvaux, le papa de Baptiste.
"A force de les voir ensemble, on ne savait plus lequel déteignait le plus sur l'autre. Baptiste et le sanglier affichaient le même primesaut, la même santé, une pareille inlassable gaieté. Il leur venait au même moment de ces tristesses soudaines qui les tenaient longtemps figés dans une manière de stupeur. Alors, on aurait pu voir le sanglier s'étendre le long de l'enfant sur le lit d'aiguilles de sapin, blottir la hure au creux de son aisselle, faire avec l'enfant le gros dos sous les vents mauvais qui pleurent dans les houppiers de novembre de la forêt ardennaise."